L’aménagement des espaces verts du Village olympique (VO) et du Cluster des médias (CM) – Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine et l’Île-Saint-Denis – pour les Jeux olympiques 2024 est le fruit d’un vrai travail collectif entre notamment la Solideo(1) (Société de livraison des ouvrages olympiques), le bureau d’études Urban-Eco, le GIE des pépinières franciliennes et les pépiniéristes. 26 800 arbustes, 2 950 arbres tiges et 45 000 vivaces ont été nécessaires pour ce projet hors norme. « La stratégie d’aménagement reposait sur quatre piliers fondamentaux qui sortaient un peu du cadre classique des marchés publics : une réduction des émissions de GES au maximum (via des végétaux produits le plus près possible du site), une adaptation au changement climatique pour garantir la pérennité des aménagements (d’où la nécessité d’opter pour des végétaux de qualité et adaptés au contexte pédoclimatique) et la circularité des matériaux, explique Henri Specht, directeur des opérations d’aménagement à la Solideo. Ces aménagements devaient également être un support pour développer la biodiversité en milieu urbain. »

Un sourcing très en amont
Le choix des essences végétales a été effectué dès les phases d’avant-projet, avant même le sourcing. En tant qu’écologue, Marine Linglart d’Urban-Eco s’est basée sur les caractéristiques pédoclimatiques des secteurs à végétaliser (milieux calcaires et relativement asséchants) et sur les associations végétales adaptées à la région en s’appuyant notamment sur le Guide des groupements végétaux du bassin parisien. « Nous nous sommes aussi restreints à des essences relativement faciles à produire dans les temps impartis pour ne pas avoir trop de soucis », souligne Marine Linglart.
Urban-Eco et la Solideo, qui a eu dès le départ une « culture du paysage » avec la présence de paysagistes dans son équipe projet, ont ensuite rencontré plusieurs pépiniéristes franciliens pour connaître la filière, vérifier l’adéquation de l’offre avec les exigences écologiques du projet, et évaluer leurs stocks et potentiel de production dans les délais impartis. Tout devait être prêt pour l’ouverture des JO ! Le sourcing en amont des appels d’offres est une démarche autorisée dans les marchés publics pour cibler les acteurs appropriés. Parmi ces producteurs : le GIE des pépinières franciliennes constitué il y a douze ans de six pépinières pour une superficie totale de 250 ha.

Un appel d’offre dissocié et ciblé
Avant même la finalisation des plans d’aménagement, plusieurs appels d’offre ont ensuite été lancés pour que la mise en production des plants démarre rapidement. Et, contrairement aux marchés publics habituels où la fourniture des végétaux est une sous-traitance de la structure qui répond à l’appel d’offre « espaces verts », la Solideo a dissocié l’approvisionnement des végétaux (marché d’un million d’euros) de la mise en œuvre de la plantation, permettant ainsi aux pépiniéristes d’y répondre.
En incluant le label Végétal local dans ses critères, la Solideo a pu restreindre les réponses aux producteurs de la zone Bassin parisien Nord du label (Nord-Ouest de la France, y compris les producteurs franciliens). L’approvisionnement en végétaux a été segmenté en cinq lots : 7 800 plants d’arbustes et 1 050 arbres tiges pour le VO ; 19 000 plants d’arbustes, 1 900 arbres tiges et 45 000 vivaces pour le CM. Le GIE pépinières franciliennes a été le seul à répondre à l’ensemble des lots, sauf pour les 1 900 arbres tiges du CM faute de capacité suffisante. À la suite d’un nouvel appel d’offre pour ce lot, Urban-Eco a sélectionné la pépinière allemande Baum et Bonheur, basée à moins de 500 km.
Ces marchés de fourniture ont été conclus avant la finalisation du dessin des espaces publics. « Cette approche a obligé les paysagistes à travailler différemment, en se basant sur les ressources disponibles plutôt que sur des plans idéalisés », souligne Henri Specht.

Un GIE référent
Tout au long du projet, le GIE a assuré la liaison entre, d’un côté, les différentes pépinières et, de l’autre, Urban-Eco et la Solideo. Pour compléter la production de ses membres, le GIE a co-traité certains volumes avec d’autres pépinières françaises : pépinières Chauviré (Maine-et-Loire), pépinières Guillot-Bourne II (Isère) et pépinières Daniel Soupe (Ain) pour les arbres tiges du VO (des charmes principalement dont le génotype n’est pas très différent de ceux d’Île-de-France), et les pépinières Lepage (Angers) pour les plantes vivaces du CM. « Nous avons réuni tous les producteurs autour d’une table, précise Emeric Picard, responsable commercial du GIE. Les productions ont été réparties en fonction du savoir-faire et des cultures habituelles de chacun tout en essayant d’attribuer le même montant de chiffre d’affaires à tous. »

Des producteurs très réactifs
De son côté, Marine Linglart a copiloté les contrats de culture en partenariat étroit avec les pépiniéristes, pour assurer une livraison des végétaux dans les délais impartis, ce qui constituait un enjeu majeur. « Le contrat de culture est indispensable, souligne Laurent Chatelain, des pépinières Chatelain, membre du GIE. Il sécurise le débouché pour les producteurs (et réduit ainsi les pertes) et garantit l’approvisionnement pour l’acheteur. » Le marché de production pour la strate arbustive a été attribué en 2020, avec une mise en culture immédiate au printemps 2021 ; celui de la réservation des arbres tiges a été attribué fin 2022, pour des plantations qui ont démarré en 2023.
Mais un projet d’une telle ampleur ne se déroule pas sans difficultés ! « Des pertes ont été enregistrées en pépinière, notamment à cause d’événements climatiques particuliers (sécheresses, pluies très intenses), raconte Marine Linglart. Il a fallu replanter ! Certains producteurs n’ont pas réussi à produire le volume prévu. Heureusement, le GIE a été très agile en demandant à d’autres producteurs de produire plus pour compenser. Les pépiniéristes du GIE sont des producteurs chevronnés. Cela a permis de limiter les risques. »
« Ce projet est sorti de terre rapidement, avec de fréquents ajustements de dernière minute face aux aléas du chantier, tels que l’annulation ou le redéploiement de zones de plantation, raconte Emeric Picard. Or nous travaillons avec du vivant. Ce n’est pas du mobilier urbain qui peut être recommandé facilement ou annulé. Il a fallu faire comprendre cela à nos interlocuteurs. » La proximité des producteurs avec le site de JO a permis une grande réactivité.
Ce projet de grande ampleur signifiait également une mise en production supplémentaire inhabituelle pour un seul client et donc une avance de trésorerie conséquente pour les pépiniéristes. Face à cette situation, le GIE a avancé 30 000 € pour sécuriser la production des 19 000 arbustes du CM.
Plus de 20 % d’espaces verts
La majeure partie des travaux d’implantation s’est déroulée en 2023 pour s’achever fin mars 2024. Si la réception des végétaux a été réalisée par Urban-Eco, l’implantation a été assurée par des paysagistes (Agence Ter pour le Village olympique, et D’ici Là pour le Cluster des médias). « Ces entreprises n’étaient pas celles qui garantissaient le végétal, une disposition rare qui imposait une collaboration basée sur la confiance face aux sols et végétaux imposés, souligne Henri Specht. Cela n’a pas toujours été simple. De nombreuses garanties ont parfois été exigées de leur part. »
Finalement, la part des espaces verts est supérieure à 20 % sur la majorité des ouvrages, avec 85 à 90 % de plants français, en majorité franciliens. Ces espaces verts ont été pensés pour assurer la restauration et la continuité des trames écologiques, et permettre un bon développement de la biodiversité afin de réconcilier celle-ci avec le milieu urbain.
(1) Organisme chargé de la réalisation des ouvrages et opérations d’aménagement nécessaires à l’organisation des JO de Paris 2024.
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