Les lauriers roses (Nerium oleander) sont « la » spécialité des Lauriers du Pont du Gard, à Sernhac (30). Olivier Faure, cogérant de l'entreprise, est très satisfait de sa production, surtout depuis trois ans, et particulièrement cette saison. En pilotant finement sa fertirrigation, il a progressivement trouvé les options de conduite culturale qui lui permettent d'obtenir des plantes très ramifiées. « Ma méthode a fait ses preuves, car avec un ajustement hebdomadaire des fertilisations, je maîtrise mes plannings depuis le début de pousse sur jeune plant jusqu'à la fin septembre, ceci en fonction des hauteurs maximales définies pour les lots de plantes et des variations de la météo. »
Au départ, ses parents, Régis et Annie Faure, avaient commencé avec une production variée de pépinière pour la vente au détail. Une activité espaces verts garantissait un complément de revenus, indispensable au démarrage de la pépinière puis durant les coups durs. Une étude du marché horticole, menée après les périodes de gel de 1985-1986, où ils avaient perdu beaucoup de plantes, les avait incités à se recentrer sur la production du laurier rose, une plante à fort potentiel, notamment pour les jardineries, avec un grand choix de cultivars.
« En 1990, nous avons opté pour le laurier rose parce que c'était une plante au Top 10 des ventes, et parce que nous enregistrions une forte demande, explique Régis Faure. J'aime tout dans le laurier. Nous connaissons bien cette plante à présent. Nous avons réussi à passer d'un produit à floraison en avril, avec des ventes éphémères, à une plante commercialisée une bonne partie de l'année. Mais nous n'en sommes qu'au début avec elle et nous disposons encore d'une bonne marge de progression en termes de façons de travailler, d'adaptations commerciales, d'évolutions possibles. »
Son fils Olivier poursuit : « Ce choix de la monoculture – le laurier rose pour seule spécialité –, c'est aussi pour être capables de produire de la très haute qualité et nous démarquer de l'offre courante (souvent trois branches) avec des plantes trapues et compactes. Nous assurons tout, depuis le jeune plant de nos pieds mères jusqu'à la commercialisation de gros sujets, et un peu de sélection variétale. Je ne me vois pas me disperser et mener une large gamme de pépinière. Depuis mon arrivée dans l'entreprise, en 1999, j'ai fait le choix de me concentrer sur la production, avec une vente de produits finis uniquement, et seulement à destination des professionnels : en local (interrégion), au marché de Carpentras, et aussi au niveau national au printemps. Des plantes en conteneurs de 3, 7, 15, 30 et 55 litres (et une partie en conteneurs de 80 litres), avec une commercialisation pratiquement toute l'année. »
Il y a deux difficultés à travailler en monoculture sur un genre peu fréquent. « L'une, c'est d'avancer quasiment tout seul. Il faut apprendre par soi-même pour optimiser la qualité de la culture, pour trouver la bonne fertilisation, pour travailler quasiment sans nanifiant. D'autant que, techniquement, je ne peux faire qu'un essai par an... », souligne Olivier Faure. Depuis son arrivée, il a notamment travaillé sur le système d'irrigation au goutte à goutte, pour économiser environ 50 % d'eau (par rapport à l'aspersion), et sur le choix des engrais : abandon des engrais à libération progressive qui ne convenaient pas compte tenu des coups de chaleur de la région, au printemps notamment. La planification des productions et des fertilisations a été optimisée sur tableur Excel. Une base de données créée spécialement par son frère Nicolas, et qui permet également de noter tous les temps de travaux et, ainsi, de connaître au plus près le prix de revient.
La seconde difficulté, c'est de gérer le travail du personnel. « Nous avons une grosse activité de mars à mai (empotages), en juin (bouturages- repiquages), de mars à septembre (suivi des cultures, pincements, taille, équilibrage, ventes...), et à l'automne, avec des ventes complémentaires en cas d'été indien. Avec six équivalent temps plein (ETP), mes parents et moi compris, un CDI à temps plein, deux CDI à temps partiel (900 heures/an), nous arrivons à annualiser le travail sur l'année. En pic de saison, nous sommes quinze, avec le souci des saisonniers qu'on ne peut pas reprendre plus de trois fois et qu'il faut sans cesse reformer... », détaille le pépiniériste.
« Avec la monoculture, il ne faut pas « se rater », poursuit-il. Ce qui me manque parfois, c'est de pouvoir être épaulé, par exemple avec une station technique telles les Celrho et Cepem d'autrefois. Surtout pour me conforter quand il faut prendre des décisions, notamment en matière d'engrais. Nous devons évoluer seuls, faire nos propres essais. Et il y a tous les ans des difficultés, dernièrement sur la qualité d'une livraison de substrat. Ou encore pour optimiser la protection biologique intégrée (PBI), en marche dans notre entreprise depuis trois ans.
Pour répondre à la demande, nous venons de nous agrandir. J'ai commencé à installer un hectare de hors-sol sur un nouveau terrain. Nous sommes reconnus sur le marché parce que nous garantissons une bonne qualité. Sur environ trois cents cultivars existants, nous en proposons une quarantaine au catalogue. Et nous avons quatre obtentions « maison », des cultivars choisis pour leur floraison plus précoce d'une quinzaine de jours, et bien au-dessus du feuillage, retenus pour leur facilité de culture et de transport avec leurs ramifications souples. Leur port compact de 1,50 m maximum répond aux attentes du marché, en particulier pour les ronds-points ou les bords de piscines, car ces sujets ne deviendront pas trop grands. »
« Avec l'agrandissement de la pépinière et l'embauche d'un chef de culture prévue cet hiver pour me remplacer suite au départ à la retraite de mon père, nous allons avoir de la place pour nos pieds mères et la possibilité de relancer les sélections. Ce travail nous permettra de nous démarquer encore davantage », conclut Olivier Faure avec optimisme.
Odile Maillard
'Ville de Sernhac' est une obtention simple, rose foncé, à port compact, de la pépinière.
'Papa Gambetta', ici en culture sous tunnel en conteneur de 3 litres, est destiné à une vente précoce (mi-fin juillet). Plant très ramifié à partir de deux boutures.
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