Les chrysanthèmes sont des cultures tardives : les plantes sont mises en place au cours de l’été dans les serres de production et en plein champ. Les auxiliaires naturels sont tous déjà pleinement présents, mais le manque de floraison de plantes naturelles pourrait nuire à leur développement et à leur maintien.

Les principaux bioagresseurs, couramment dénommés ravageurs, des chrysanthèmes sont les pucerons et les thrips, en été puis en automne, ainsi que les acariens. Le tableau (voir ci-contre) propose une correspondance entre ces trois ravageurs de l’espèce, les auxiliaires naturels et les plantes de services.

L’intérêt principal de ces végétaux, c’est d’apporter du pollen et du nectar ou en­core des proies de substitution pour ces auxiliaires naturellement présents, sans toutefois héberger d’autres bioagresseurs des plantes.

Deux approches

Des essais ont été effectués durant deux ans dans des exploitations horticoles du réseau Dephy Horti-Pépi, qui comprend dix producteurs en région parisienne. Parmi eux, Christophe Jarry, qui est horticulteur dans le Val-d’Oise, partage son retour d’expérience.

« Toute notre démarche a été accompagnée grâce à notre groupe Dephy­. Avant toute mise en place de protection de notre culture, nous devons appréhender­ toute la problématique générale. Il convient d’identifier les bio­agresseurs en tenant compte du maximum de paramètres. En effet, le raisonnement, puis l’approche doivent être les plus globaux possible, et s’adapter spécifiquement à chaque entreprise. Avec la particularité que la culture des chrysanthèmes se fait aussi bien en extérieur qu’en intérieur. Ceci génère des approches différentes, autant contre les bioagresseurs que pour les techniques à mettre en place », expose-t-il.

1.En extérieur : gérer la rouille, semer une prairie, surveiller...

« En extérieur, nous avons entamé notre démarche à partir d’une photographie aérienne permettant d’affiner notre stratégie de lutte, poursuit-il. Nos observations passées nous avaient montré des débuts de rouille toujours à proximité des zones boisées. Les brouillards ont en effet tendance à s’y accumuler et la ligne SNCF, avec ses 88 convois par jour, favorise les flux d’air importants et la dissémination des spores. Il fallait donc commencer par bien cerner ce point phytosanitaire. Nous avons d’abord choisi des cultivars moins sen­sibles aux attaques de rouille dans toutes ces zones clairement identifiées. Des génétiques plus adaptées ont permis de constituer une sorte de barrière limitant les risques de contamination. » 

« Les cultivars plus sensibles mais intéressants pour leur floraison et leur qualité horticole ont été conservés mais déplacés dans des zones indemnes de rouille. Nous avons aussi réduit le programme de fertilisation en azote, limitant ainsi la pousse et donc le risque de fragilité physiologique vis-à-vis des rouilles. »

« Dans un deuxième temps, nous avons semé une prairie fleurie en limite de culture, dans des délaissés. Il est fon­da­men­tal d’opter pour des mélanges de graines­ de vivaces qui puissent assurer une flo­raison jusqu’en octobre (achillée millefeuille, bourrache, Centaurea jacea, vi­périne, trèfle blanc, mauve musquée, soucis, bleuet…). Cette prairie fournit du pollen et du nectar qui se révèlent indispensables au bon développement et au maintien des populations des auxiliaires présents naturellement. »

« Nous avons installé des plantes de ser­vices, horticoles et sauvages, soit en so­litaire, soit en association (fenouil, aneth, ricin, bourrache, ortie, œillet d’Inde, charmille…). La culture de ces pots ne pose aucun problème et s’intègre parfaitement dans notre planning de repiquage de la semaine 12 à la semaine 15 (repiquage directement en 4,6 litres). Ces plantes se développent ainsi rapidement. Ces pots sont disposés au sein de la cul­ture, environ un pour 500 chrysanthèmes, en pas japonais pour assurer une continuité depuis la praire fleurie. »

« Nous avons également installé de nombreux nichoirs à mésanges, pour limiter encore plus la population de pucerons, et passé un partenariat avec un apiculteur local : ses trois ruches pollinisent nos plantes de services. Nous avons effectué des observations toutes les semaines pour surveiller le niveau des populations de bioagresseurs (pucerons, thrips, acariens…). Ce système a évité l’utilisation de produits phytosanitaires tout au long de la culture. »

Lors de ses relevés, Johanna Villenave-Chasset, entomologiste spécialisée en particulier dans les auxiliaires sauvages, a constaté un gain supplémentaire sur les indices de biodiversité. La richesse spé­cifique, la diversité de même que l’équitabilité ont progressé favorablement pendant deux ans.

2.Sous abris : des lâchers, des réassorts et de la surveillance

« En intérieur, reprend Christophe Jarry, nous faisons différemment. Les plantes de services (aneth, souci, coriandre, pimprenelle, bourrache, millepertuis perforé…), également en 4,6 litres, sont déjà ino­culées via des lâchers préalables directement dans les pots. Le planning de lâchers (Encarsia, Amblyseius, Orius, chrysope…) est établi avec notre fournisseur. Cependant ce système nécessite des observations régulières : nous avons constaté la difficulté de maintenir un niveau suffisant des populations d’auxiliaires. Il faut donc changer régulièrement les potées fleuries de plantes de services : environ tous les quinze jours. »

« Un apport de pollen est indispensable mais nous avions une recette – à base de boulettes en mélange de miel toutes fleurs avec de la levure de bière – nous permettant d’en fabriquer au fur et à mesure des besoins. »

Johanna Villenave-Chasset
et Christophe­ Jarry*

*Lire « Les plantes de services, des alliées en milieu ouvert ou fermé », Le Lien horticole n° 1115 de mai 2022, pages 24-25.

À retrouver ultérieurement, dans Le Lien horticole n° 1118 de septembre 2022, les vertus des plantes de services pour les rosiers.