Al’origine des actuelles Pépinières et Roseraies Paul Croix, à Bourg-Argental, au sud de Saint-Étienne (42), un jeune homme de17 ans, Adrien Sénéclauze. Renonçant au confort assuré par la soierie familiale, une activité florissante alors dans la région – il écrira d’ailleurs plusieurs livres sur la culture du mûrier – il va créer en 1819 son « établissement horticole » orienté vers l’adaptation et la vente de nouveautés découvertes lors de ses voyages ou transmises par ses nombreux correspondants à travers le monde. D’une curiosité d’esprit insatiable, il n’aura de cesse d’enrichir son catalogue de variétés nouvelles qui lui vaudront d’obtenir, en 1855, la médaille d’or de l’exposition universelle de Paris.
Sa vraie marotte, pourtant, ce sont les conifères, dont il possède une collection unique de 450 variétés répertoriées dans son passionnant ouvrage Les Conifères, monographie descriptive et raisonnée publié en 1867. Certaines sont toujours visibles aux Pépinières Croix. Hélas, le majestueux cèdre du Liban qu’il avait planté en 1830 – qui couvrait une surface de 1 400 m2, mesurait 48 m de hauteur pour 9,66 m de circonférence –, n’a pu être conservé. Ses 180 tonnes de bois ont subi l’attaque d’un champignon xylophage, malgré tous les soins dont il faisait l’objet.
Les compétences d’Adrien Sénéclauze et le procédé de multiplication à grande échelle des conifères qu’il a mis au point lui valent de se voir confier la mission par ordonnance royale de Louis XVIII de reboiser le massif du Pilat (Massif central) et des monts du Lyonnais, réduits alors à l’état de landes à cause de la surexploitation forestière. Il va d’ailleurs attirer l’attention des pouvoirs publics sur la nécessité du reboisement pour lutter contre les inondations et l’érosion des sols.
En 2019, à l’occasion de l’anniversaire des 200 ans de la création de l’établissement, la rose ‘Adrien Sénéclauze’ créée par Dominique Croix a été baptisée en présence de ses descendants.
En 1956, Paul Croix, fils de François Croix, pépiniériste à Montbrison (42), dans le Forez, auteur de plusieurs ouvrages sur la culture des arbres fruitiers, reprend l’entreprise, apportant avec lui sa passion pour la création de roses nouvelles. La même année, sa rose ‘Astrée’ décroche le titre de « plus belle rose de France ». Plusieurs centaines de créations vont alors sortir, dont l’emblématique ‘Sourire d’orchidée’ en 1985, qui le feront connaître dans le monde entier.
En 2013, à l’occasion du baptême de la rose ‘Paul Croix’, un robuste grimpant au parfum très intense, Dominique, sa créatrice, va exprimer sa reconnaissance à ce père qui a su lui transmettre sa passion et son savoir-faire, mais aussi à son grand-père maternel, Jean Marc, directeur des espaces verts de la Ville de Saint-Étienne, qui a accompagné ses premiers pas sur les chemins de l’hybridation.
Changer les structures de l’entreprise
En 1999, Dominique Croix reprend la direction, aidée une année plus tard par un autre passionné, Jacques Ranchon, enseignant et musicien, aux « profondes racines végétales » transmises par ses parents. Ils vont alors unir, en même temps que leurs destinées, leurs efforts pour assumer le changement des données commerciales. En effet, il n’est plus question de reboisement et de vente en gros. Il faut changer les structures de l’entreprise, s’orienter vers une clientèle de particuliers et réaménager une grande partie des cinq hectares du domaine pour mettre en valeur les arbres remarquables, les collections bicentenaires d’azalées mollis, rhododendrons, érables japonais... léguées par Adrien Sénéclauze.
Une roseraie-conservatoire de 25 000 rosiers, qui réunit 500 variétés, celles de la maison Croix et une collection de rosiers anciens et botaniques, est créée. Des bosquets vont voir le jour, de même que des espaces dédiés à l’implantation et à l’observation des nouvelles créations, de plus en plus nombreuses. Ces dix années de travail et la décision prise en 2000 d’abandonner les traitements chimiques dans tout le domaine aboutiront à l’obtention du label « Jardin remarquable » en 2010.
Baptiser des roses pour les dédier à ceux que l’on apprécie
L’entreprise reste une pépinière généraliste, offrant une large gamme de végétaux tout en poursuivant la création de variétés de roses nouvelles. Un travail récompensé par de nombreux prix obtenus dans les concours nationaux et internationaux. C’est ainsi que la rose ‘Bagnoles de l’Orne’ de Jacques Ranchon reçoit en 2012, à Rome, la médaille d’or. La même année, ‘Sagesse de lune’ de Dominique Croix obtient le premier prix à la biennale du parfum de Nantes. En 2017, à Rome, ‘Notre-Dame de Sereys’ a la médaille d’or des peintres... La rose ‘Je t’aime’ rafle de multiples récompenses, dont le Prix du parfum en 2018.
Faire connaître des roses passe aussi par des dédicaces à des personnes pour qui les créateurs ressentent admiration, amitié, affection comme ‘Thérèse Loubert’, ‘Patrick Mioulane’, ‘Stéphane Marie’, ‘Nadia de Kermel’, ‘Élise Marc’… et, bien sûr, la rose ‘Pape François’, création de Jacques Ranchon – qui orne désormais les jardins du Vatican, de Castel Gandolfo ainsi que la grande roseraie de Rome – ou encore ‘Université de Saint-Étienne’, ‘Parc du Pilat’, grand prix de Baden-Baden...
« L’angoisse et la peur du lendemain générées par la Covid-19 ont conduit beaucoup d’entre nous à trouver refuge dans la nature et sa contemplation, et à découvrir les bienfaits du jardinage en même temps que les connaissances et les gestes pratiques nécessaires appris autrefois dans le jardin familial par les grands-parents ou les parents, aujourd’hui oubliés », estiment Dominique Croix et Jacques Ranchon. Ils veulent profiter de cet engouement pour poursuivre l’aventure, avec toujours la même passion.
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