Spectre d’efficacité et cultures envisageables :­

- Propriétés : les produits répulsifs de grands vertébrés déprédateurs des cul­tures (lapin de garenne, lièvre, castor, ragondin, chevreuil, cerf, biche, daim, sanglier…), par opposition aux petits ver­tébrés (campagnol, mulot, taupe…), ont pour but de dissuader ces mammifères herbivores d’endommager les végétaux sensibles (arbres, arbustes, plantes vi­vaces en pépinière, plantations dans les jardins et espaces verts, régénérations forestières), dont les principales attaques portent sur les parties aériennes : le feuillage, les pousses, les rameaux, l’écorce, le collet. Lorsque l’environnement est propice à ces animaux, les cultures appétentes risquent d’importants dégâts et peuvent dépérir. Il est possible d’utiliser ces substances en complément d’autres méthodes de prévention des risques : barrières physiques (que ce soit clôtures, grillages, barbelés, fils électriques, filets ou manchons protecteurs…), débroussaillement (suppression des ronciers servant de niche, maintien d’une végétation rase aux abords des cultures), piégeage (cages-pièges), chasse.

- Modes d’action et cibles : si tous les produits répulsifs ont pour but d’éloigner ou de décourager les déprédateurs, ils vont agir de façon différente selon leur com­position, leur formulation et leur mode d’application. Certains sont efficaces par inhalation, en émettant des odeurs incommodantes pour les mammifères herbivores (farine de sang, graisse de mouton, huile de poisson, poivre), tandis que d’autres ont une action mécanique (sable quartzeux) de type abrasif pour la langue des ruminants comme le chevreuil et le cerf, mais aussi le lapin, le lièvre et le castor, lorsque le produit est appliqué dans la partie basse des plantes. Les principales espèces ciblées par les répulsifs sont les suivantes :

- le lapin de garenne et le lièvre : le premier, davantage répandu dans les milieux cul­tivés, est aussi le plus nuisible à cause de sa prodigieuse fécondité. Ses ravages directs sont caractéristiques : le grattage des planches de semis, l’abroutissement (action de brouter les végétaux : les plantes vivaces à ras de terre, les feuillages et les pousses d’arbustes à 50 cm du sol environ), la mise à nu des racines, l’écorçage de la base des troncs. Après une attaque, on observe nettement les empreintes des incisives dans le bois. Les dégradations indirectes sont l’infection des blessures par des chancres fongiques ou bactériens et la casse des jeunes troncs par le vent. La consommation des bourgeons apicaux provoque le débourrement des axillaires et compromet la formation optimale du sujet en pépinière, ce qui est très préjudicia ble aux plants fruitiers. Les milieux favorables­ aux infestations sont les parcelles environnées­ de friches, bois, maquis, prai­ries herbeuses, talus, bosquets, landes et autres endroits propices à la reproduction. Le lapin habite près de sa source de nourriture. Il se cache dans un terrier qu’il creuse en terrain meuble ou sablonneux et fréquente les cultures au crépuscule ou à l’aube. En revanche, le lièvre erre au cours de la nuit et s’alimente en des endroits variés. Ses ravages, relativement semblables à ceux du lapin de garenne, sont plus sporadiques ;

- les cervidés : ces ruminants (chevreuil, cerf, biche) provoquent des casses de rameaux, des lacérations d’écorce et des dommages dus aux frottements des bois des mâles. Les blessures sur les végétaux s’observent jusqu’à 1,70 m au-dessus du sol pour le cerf et 1,10 m pour le chevreuil. Le cerf se trouve souvent près de grandes forêts de plusieurs centaines d’hectares. À l’inverse, le chevreuil se rencontre plus fréquemment dans les bois campagnards environnant les cultures.

- Principales cultures concernées : les attaques de mammifères herbivores dans les pépinières et zones paysagères ont lieu principalement en automne-hiver et au début du printemps. Aux beaux jours, ces animaux délaissent souvent les cultures au profit de la végétation sauvage, mais le saccage peut être continuel en situation infestée et exposée. Les plantes sensibles au lapin de garenne et au lièvre sont les cultures légumières et fourragères, les plants de feuillus et de résineux (cerisier, coronille, cytise, frêne, genêt, hêtre, lilas, magnolia à feuilles caduques, merisier, pêcher, peuplier, pin, pommier, sapin de Douglas, saule, troène, tulipier de Virginie…). Le cerf et le chevreuil s’attaquent à divers arbres feuillus et résineux, tandis que le sanglier privilégie certains grands parcs et golfs (dégâts ponctuels et localisés sur greens, après les derniers battages de maïs grains dans l’environnement). Si le parc est arboré, le sanglier peut y rechercher des glands, faines et châtaignes. Il déterre également les vers blancs de hannetons et les lombrics en fouillant le gazon avec son groin. S’il fuit les chasseurs et se réfugie sur une pelouse, il passe ra­rement inaperçu avec son corps massif pouvant atteindre 170 kg en France !

- Application et efficacité : les principales substances répulsives de biocontrôle sont les suivantes :

- farine de sang : le processus de fabrication de ce produit olfactif issu de sang de porc permet de garantir sa pureté et son innocuité à l’état sec, soluble dans l’eau. On applique la poudre mouillable par badigeonnage, trempage et surtout par pulvérisation, en toute saison, sur les plan­tations ou régénérations forestières, les arbres et arbustes fruitiers ou d’ornement contre les dégâts d’abroutissement, rongement et sectionnement dus au gibier (chevreuil, cerf, lapin, lièvre), mais le traitement convient également bien à la lutte contre le campagnol terrestre. Ce produit offre une durée de protection de six à huit semaines pour des traitements réalisés au printemps ou en été et de quatre à six mois en hiver. Avantage très important, il peut aussi être pulvérisé sur des plants en jauge avant plantation, ce qui génère un gain de temps appréciable. Produits commerciaux : Certasol, Certosan ;

- graisse de mouton : on pulvérise ce produit, formulé en émulsion aqueuse, sur la vigne en pousse au printemps à raison de deux rangs en bordures de parcelle contre les cervidés ou en automne contre un abroutissement hivernal. Sur cultures ornementales, quatre applications au maximum sont possibles en période de végé­tation et deux traitements en automne. L’intervalle minimum entre les applications est de vingt-huit jours. Pour l’usage en peuplement forestier sur des feuillus ou des résineux, on intervient une seule fois à la dose de 10 à 20 l/ha ou à raison de 5 à 10 ml/plant contre l’abroutissement et 100 ml/plant pour prévenir les dégâts d’écorçage. Pour être efficace, en formant une pellicule durable, le produit doit avoir le temps de sécher sur les feuilles. La rémanence est de quatre mois. Produits com­merciaux : Trico, Trico jardin. Un diffuseur spécifique, contenant 50 ml et muni d’un crochet pour une éventuelle suspension, peut être utilisé de façon à obtenir quarante jours d’efficacité. À placer tous les six mètres en bordure de culture ;

- huile de poisson : cette substance concentrée diffuse une odeur incommodante et donne une amertume en cas d’ingestion, incitant les mammifères à s’éloigner. Elle s’applique après dilution par pulvérisation dirigée ou en plein, sinon par badigeonnage au pinceau ou à la brosse sur les troncs. Le traitement cible les cervidés, lapins et lièvres, sèche en quelques heures et forme un film transparent qui n’altère pas la photosynthèse. La durée de la protection est de trois à quatre semaines selon la vitesse de croissance des plantes. On peut aussi traiter en ceinture de parcelle sur une largeur de dix à vingt mètres. Autre option : imprégner par épandage ou badigeonnage des ficelles tendues ou des chiffons sur des piquets de 15 à 20 cm de haut installés autour de la zone à protéger. La rémanence du produit est de vingt à soixante jours en fonction des conditions climatiques. Il faut renouveler l’application après de fortes précipitations. Produits commerciaux : Stop Gibier Plus, Xpulse Gibier ;

- sable : une fois appliqués à la brosse sur l’écorce des troncs, tiges et branches des feuillus ou conifères d’ornement, fruitiers ou forestiers, les gros grains de sable de quartz ou dioxyde de silice (48 % dans le produit commercial Wöbra) agissent de façon mécanique sur la langue des animaux, évitant l’écorçage. Ce latex abrasif persiste jusqu’à dix ans. Il vise les cerfs, chevreuils, lapins, lièvres et castors. La dose d’utilisation est souvent plus importante pour les cervidés (280 à 500 g/arbre selon le diamètre du tronc, à une hauteur d’environ 1,60 à 2 m) que celle­ utilisée contre les lièvres et lapins (200 g/arbre dans la partie basse du tronc). Le produit commercial Elaf Bourgeon pâte, à base de grains de sable, s’emploie contre les dégâts d’abroutissement en protégeant la pousse terminale durant la période hi­vernale. Il est utilisable pour prévenir les dégâts de cerfs, chevreuils, daims, mouflons, mais aussi lapins et lièvres. Une seule application par an suffit. Le produit reste efficace six à sept mois ;

- autres substances biologiques : certains produits agissant par inhalation utilisent le poivre contre le lapin, le lièvre et le sanglier ou encore des extraits végétaux et huiles essentielles applicables en pulvérisation foliaire.

Jérôme Jullien