Spectre d’efficacité et cultures envisageables
- Propriétés : connu depuis l’Antiquité, mais vulgarisé à partir de 1853 comme fongicide des cultures après l’apparition de l’oïdium de la vigne en France en 1847, le soufre, produit d’origine naturelle, est surtout utilisé contre les oïdiums en viticulture, arboriculture fruitière, cultures légumières et productions horticoles ornementales, ainsi que dans les jardins et espaces verts. C’est également une solution efficace contre l’érinose (phytoptes) et l’acariose (tétranyques). Le soufre pour poudrage est trituré après broyage, le soufre sublimé est obtenu par distillation (après évaporation, il se dépose sous la forme d’une poudre régulière, fine et légère), tandis que le soufre mouillable pour pulvérisation est rendu miscible à l’eau par adjonction de mouillants. Quant aux lessives sulfocalciques ou polysulfures, ils sont obtenus par chauffage industriel d’un mélange de lait de chaux et de soufre. À cause du risque de corrosion des récipients métalliques, la bouillie se prépare dans des récipients en plastique.
- Mode d’action et cibles : commercialisé sous forme de poudre pour poudrage, de poudre mouillable micronisée, de granulés dispersibles ou de liquide à diluer dans l’eau, le soufre agit par contact en formant une couche protectrice à la surface des tissus des parties aériennes des végétaux, plus ou moins rémanente selon les formulations. Il a aussi un effet de vapeur important qui détruit en profondeur les formes de reproduction de l’oïdium. Cette émission dépend de la qualité du soufre utilisé et de facteurs climatiques : la température (plus elle est élevée, plus le phénomène est accentué), la luminosité (il est préférable de traiter par temps clair), le vent (il dilue les vapeurs de soufre dans l’air ambiant et nuit donc au bon enrobage de la végétation). L’action multisite du soufre le rend capable d’intervenir à plusieurs niveaux des mécanismes respiratoires des champignons, évitant ainsi la sélection de souches résistantes. D’efficacité préventive sur les conidies, curative sur les filaments mycéliens et éradicante partielle sur les formes sporulantes, ce produit permet de réaliser un traitement même quand la maladie est déjà déclarée. Dans ce cas, il est possible d’arrêter le développement du pathogène, mais les symptômes restent irréversibles.
- Principales cultures concernées : le soufre est autorisé sur nombre de végétaux cultivés en pépinières d’ornement (arbres, arbustes), en horticulture florale (rosier), en cultures légumières (dont le fraisier), en arboriculture fruitière (abricotier, cassissier, cerisier, cognassier, framboisier, groseillier, nectarinier, myrtillier, nashi, néflier, pêcher, poirier, pommier, noisetier, ronce, sureau noir), en plantes à parfum, aromatiques, médicinales et condimentaires (PPAMC), en viticulture (raisin de table et raisin de cuve), en plantes tropicales (barbadines, fruit de la passion, manguier, papayer), en cultures porte-graines (dont les espèces florales) et en grandes cultures.
- Application et efficacité : bien que ce produit soit très ancien, son efficacité et sa régularité d’action lui confèrent toujours une forte notoriété. Le soufre agit contre divers oïdiums (dont ceux des arbres et arbustes d’ornement : amélanchier, catalpa, chêne, chèvrefeuille volubile, clématite, coronille, hortensia, épine-vinette, érable, poirier, pommier, platane, rosier, spirée […], y compris l’oïdium perforant du laurier-cerise), de même que la maladie des taches noires du rosier, l’excoriose de la vigne ou bien encore les tavelures du pommier et du poirier.
Il possède également une efficacité avérée contre des acariens nuisibles : acarien rouge des arbres fruitiers (Panonychus ulmi) ; tétranyque tisserand (Tetranychus urticae) ; phytopte de la vigne (Colomerus vitis) et phytopte du poirier (Eriophyes pyri), responsables d’érinoses (galles foliaires) ; tarsonème des cultures tropicales. Il a aussi une action ovicide reconnue jusqu’à 70 % contre la cicadelle vectrice de la flavescence de la vigne (Scaphoideus titanus). Lorsque le soufre sera utilisé seul contre l’oïdium dans un programme de lutte intégrée, il pourra être complémentaire d’autres produits de biocontrôle appliqués une seule fois ou en alternance : Ampelomyces quisqualis M-10, Bacillus subtilis QST 713, bicarbonate de potassium, Cos- Oga, huile essentielle d’orange douce (se référer aux produits autorisés pour chaque usage). On peut noter, par exemple, que le biofongicide A. quisqualis souche M-10, hyperparasite d’oïdiums, est actif à des températures plus basses que le soufre. Il est donc intéressant de l’utiliser dans un premier temps pour prévenir l’oïdium du rosier, sur lequel il est homologué. Sur oïdium déclaré, le mélange de bicarbonate de potassium avec du soufre mouillable permet de stopper le développement de la maladie : réaliser deux traitements en adaptant le renouvellement selon l’oïdium présent.
Par ailleurs, le soufre est parfois mélangé avec le cuivre. Outre leur action respective contre l’oïdium et le mildiou ou la criblure foliaire, ces deux produits minéraux ont montré contre le black-rot de la vigne une efficacité élevée (91 % en fréquence sur grappes) lorsqu’ils étaient appliqués tous les sept jours, c’est-à-dire juste un peu en dessous du mancozèbe (99 %), fongicide de synthèse multisite agissant également par contact.
En ce qui concerne l’association du soufre avec des adjuvants, on peut noter avec intérêt qu’il existe sur le marché un fongicide à base de soufre liquide coformulé avec des terpènes de pin, autorisé contre divers oïdiums, dont ceux des arbres, arbustes d’ornement et rosier. Ce mélange assure un niveau de protection satisfaisant et durable à des doses plus faibles que d’autres produits soufrés, la pulvérisation se trouvant améliorée grâce aux propriétés des dérivés terpéniques : bonne couverture du feuillage, meilleure adhérence, diminution du lessivage par la pluie ou l’irrigation par aspersion, limitation de la formation de mousse lors de la préparation de la bouillie et de la dérive pendant le traitement.
Enfin, en termes d’application, certaines serres sont équipées de lampes à soufre (évaporateurs) pour prévenir les attaques d’oïdium en culture de rosiers. Le dispositif préconisé est généralement de une à deux lampes à soufre par serre de 250 m2, utilisées durant deux à trois heures par nuit. Cependant, pour des raisons toxicologiques, il est indispensable de respecter le délai de réentrée après traitement et d’ouvrir la serre le matin pour libérer les vapeurs. Si des lampes à soufre sont utilisées dans le cadre d’une protection biologique et intégrée (PBI), celles-ci devront être mises en fonction avant de procéder aux lâchers d’acariens prédateurs sensibles au produit.
- Effets sur les auxiliaires : le soufre respecte certaines espèces (nématodes Heterorhabditis spp., acariens Amblyseius degenerans, Amblyseius swirskii, Neoseiulus cucumeris, Stratiolaelaps scimitus (= Hypoaspis miles), Geolaelaps (= Hypoaspis) aculeifer, diptères Aphidoletes aphidimyza et Feltiella acarisuga, chrysope Chrysoperla carnea, staphylins, forficule, hyménoptères Diglyphus isaea, Leptomastix dactylopii). Mais il est toxique sur des acariens Stigmeides (Agistemus spp.) et Phytoséiides (Encarsia formosa adulte, Euseius citrifolius, Trichogramma brassicae adulte…), dont des espèces de biocontrôle (Amblyseius andersoni), la coccinelle Stethorus punctillum, la punaise Anthocoris nemoralis (nymphe) et des hyménoptères (Coccygominus turionellae, trichogrammes). D’après les publications, le soufre serait neutre ou au contraire nocif pour les typhlodromes (acariens spontanés prédateurs d’acariens phytophages de la vigne et des fruitiers). Idem pour l’acarien Phytoseiulus persimilis. Il est reconnu comme moyennement toxique sur les nématodes entomopathogènes Steinernema spp. et l’acarien Neoseiulus californicus et est peu toxique sur les punaises Orius spp., Macrolophus pygmaeus, Nesidiocoris tenuis, les hyménoptères Dacnusa sibirica, Aphidius ervi, Aphidius colemani, de même que sur la coccinelle à sept points (adulte) et l’abeille domestique Apis mellifera.
Pour les champignons Entomophthorales (notamment utiles contre les pucerons), le soufre est classé très toxique, mais il est considéré peu ou non toxique sur d’autres micro-organismes entomopathogènes comme Beauveria bassiana, Beauveria brongniartii, Cordyceps fumosorosea (= Paecylomyces fumosoroseus, Isaria fumosorosea) et Lecanicillium muscarium (= Verticillium lecanii).
- Risques de phytotoxicité : en raison de leur manque d’innocuité sur certains végétaux en périodes chaudes, les fongicides à base de soufre doivent être appliqués sous abri sur une végétation sèche et à des températures inférieures à 28 °C à la dose de 400 g/hl. Il convient également d’éviter de traiter en serre les plantes fleuries et les plantes vertes sensibles, pour éviter le risque de provoquer des brûlures sur le feuillage ou les inflorescences. Le soufre étant incompatible avec certains insecticides et fongicides, il est important de bien observer les consignes des fabricants (étiquette, notice technique) avant utilisation en mélange extemporané.
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