Protéger Pelouses sportives « zéro phyto » : quels leviers d’action mobiliser ?
Le déploiement du zéro phyto sur les pelouses sportives nécessite de repenser et adapter les pratiques de gestion selon une approche agronomique globale.
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La transition vers le « zéro phyto » sur les pelouses sportives est désormais une obligation réglementaire (voir encadré ci-dessous). Elle nécessite un changement de paradigme, passant d’une logique curative à une approche agronomique globale et préventive, visant à renforcer la santé et la résilience du gazon pour le rendre moins dépendant des intrants. Cette approche est fondée sur la connaissance fine des terrains, la maîtrise de leur usage et une haute technicité d’entretien. Le 15 mai dernier, à l’occasion d’un webinaire sur le sujet, Plante & Cité a rappelé les leviers possibles.
> Sur le même sujet : "Pelouses sportives : des exigences réglementaires"
De la substitution à la prévention
Les pelouses sportives sont des écosystèmes techniques aux contraintes spécifiques (sol élaboré, piétinement intense, attentes élevées). Il n’est donc pas possible de simplement transférer les solutions développées pour d’autres espaces verts. L’objectif n’est pas de « remplacer un produit par un autre », mais de développer une démarche agronomique et prophylactique globale pour préserver la santé du gazon tout en maintenant la qualité de jeu exigée.
Une approche stratégique et organisationnelle
La réussite d’une gestion « zéro phyto » repose sur une vision stratégique incluant :
- un état des lieux complet de chaque terrain (caractéristiques agronomiques, pression d’usage, niveau de jeu attendu), accompagné d’un bilan des moyens humains, techniques et financiers disponibles ;
- un dialogue constant avec les utilisateurs (clubs, associations) pour évaluer leurs besoins réels et identifier les marges de manœuvre possibles ;
- l’application d’une gestion différenciée consistant à déterminer des objectifs de qualité et d’usage pour chaque terrain et prioriser les moyens sur les terrains les plus exigeants.
La maîtrise de la pression d’usage favorise la résilience. La surutilisation compacte les sols et fragilise le gazon. Un temps de repos est crucial pour sa régénération. L’usage idéal ne devrait pas dépasser 12 heures par semaine. Au-delà de 20 heures par semaine, il devient impossible de maintenir un couvert végétal de qualité.
Les solutions incluent d’établir des plannings d’utilisation stricts en concertation avec les usagers, d’organiser un roulement des terrains, de varier les zones d’entraînement au sein d’un même site, et d’utiliser les terrains synthétiques comme outil de « délestage ». Attention, le synthétique n’est pas une « solution miracle » : il requiert son propre entretien, a un impact environnemental et doit être vu comme un outil permettant la rotation plutôt qu’un remplacement.
La mobilisation de leviers techniques agronomiques
Il est essentiel de bien connaître ses terrains pour adapter l’entretien. Cela passe par des études de sol ou des analyses pour comprendre les dysfonctionnements et les caractéristiques qui influencent le développement des maladies et ravageurs (pH, réserve utile, système de drainage, etc.).
Les opérations clés d’entretien sont :
- une tonte raisonnée pour maintenir la hauteur de jeu tout en limitant le stress pour le gazon ; ne jamais couper plus d’un tiers de la hauteur, augmenter la hauteur de coupe dès que possible ;
- une maîtrise précise de l’arrosage pour assurer un développement homogène et contrer la flore adventice ; trouver un juste équilibre pour éviter l’excès d’humidité qui favorise les maladies cryptogamiques ; moduler l’arrosage en fonction des besoins réels (sondes, météo) ;
- des interventions mécaniques régulières.
L’aération permet de lutter contre le tassement du sol, et favoriser la circulation de l’air et de l’eau. Le décompactage intervient plus en profondeur que l’aération pour déstructurer les couches compactées. Le défeutrage retire l’excès de feutre (résidus de matières organiques) qui retient l’humidité et favorise les maladies. Le sablage maintient la structure et les propriétés agronomiques du substrat. Les équipements spécifiques nécessaires (aérateurs à lames, décompacteurs à broches, sableuses à nappes…) peuvent ête mutualisés, mais cela demande une organisation rigoureuse, car tous les gestionnaires en ont besoin aux mêmes périodes.
Les opérations d’entretien comprennent aussi le regarnissage qui constitue un levier de lutte contre les adventices. Il peut être réalisé plusieurs fois par saison, notamment avec des ray-grass anglais tétraploïdes.
Enfin, il est important de nettoyer et désinfecter systématiquement les outils pour prévenir la propagation des maladies, et d’optimiser la fertilisation. Les substances de base et produits de biocontrôle doivent être utilisés en dernier recours.
L’importance des moyens humains et de la communication
La montée en compétence des équipes est indispensable. Elle intervient de deux manières : soit en disposant d’agents très spécialisés au sein d’un service des sports dédié, formés en continu ; soit en faisant appel à des entreprises spécialisées maîtrisant parfaitement ces opérations complexes.
Par ailleurs, il est crucial de communiquer auprès des élus et des usagers pour donner du sens aux changements de pratiques. Un terrain « zéro phyto » peut avoir un aspect visuel différent. L’acceptation passe par l’explication des nouvelles contraintes, et la valorisation des bénéfices pour l’environnement et la santé des pratiquants.
Vers une interdiction des engrais de synthèse d’ici 2027
Une prochaine étape majeure est l’interdiction de l’utilisation des engrais de synthèse pour les jardins, espaces végétalisés et infrastructures (Jevi), avec un objectif fixé à 2027, bien que la date de mise en application définitive ne soit pas encore connue et dépendra d’un décret à paraître. Afin de préparer cette échéance, un groupe de travail au sein du ministère en charge de l’environnement doit définir précisément ce qui constitue un « engrais de synthèse » et évaluer les marges de manœuvre. À l’instar des produits phytosanitaires, des exemptions resteraient possibles, notamment pour les équipements sportifs lorsque l’usage de ces engrais serait jugé techniquement nécessaire pour maintenir la qualité requise pour la pratique sportive.
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